adj
A. Adj. indéf.
1. [En corrél. avec l'art. un, pris dans son sens potentiel, c'est-à-dire ni spécifique (Un homme entra; Un homme quelconque entra), ni générique (Un fils est toujours l'ouvrage de sa mère; Un fils quelconque est toujours l'ouvrage de sa mère); marque l'indétermination quant à la qualité ou à l'identité]
a) Un/une + subst. + quelconque. N'importe quel(le). Sous un prétexte quelconque. Imagine une histoire quelconque, très simple, qui ne prouverait rien, où il ne se passerait presque rien, comme sont celles qui arrivent... (MARTIN DU G., Devenir, 1909, p. 24). En France, tu peux toujours appeler le type à qui tu t'adresses: « Monsieur le Président ». En France, un coco quelconque est toujours président de quelque chose (DUHAMEL, Nuit St-Jean, 1935, p. 17). Comme s'il se fût agi d'un libraire obscur et non pas d'un roi, d'un fonds quelconque de boutique et non pas d'une librairie unique en son genre(CENDRARS, Bourlinguer, 1948, p. 330).
Indéfinissable. Sous le casque il ne restait plus grand'chose (...). Un soldat triste, d'un âge quelconque: l'âge militaire(ROMAINS, Hommes bonne vol., 1938, p. 129).
Rem. Au XIXe s. on relève des ex. (notamment dans la lang. des journaux) où l'art. un a le sens « spécifique »: Après le crime, Eyraud se rendit dans les bureaux de l'huissier Gouffé, rue Montmartre, afin d'y voler des papiers, mais, dérangé par un bruit quelconque, il eut peur et prit la fuite (Le Petit Parisien, Suppl. littér. ill., 2 févr. 1890, p. 7). Noter aussi l'alliance possible avec tout: Il était interdit (...) d'enclore sa propriété et tout terrain quelconque de murs, haies ou fossés (Le Petit Journal, Suppl. ill., 1893, p. 282).
Empl. subst. masc. Une personne quelconque. Lui (...) qui entrait en complète épilepsie à propos d'un succès de Zola ou d'un quelconque (GONCOURT, Journal, 1887, p. 681).
LOG., MATH. ,,Se dit de l'un des éléments d'une classe en tant qu'il est considéré comme jouissant des mêmes propriétés que tout autre élément de cette classe`` (LAL.). Mais cela ne revient-il pas à reconnaître que l'idée même du nombre deux, ou plus généralement d'un nombre quelconque, renferme celle d'une juxtaposition dans l'espace? (BERGSON, Essai donn. imm., 1889, p. 76). Les positions et les vitesses des trois corps à un instant donné suffisent pour déterminer leurs positions et leurs vitesses à l'instant suivant, et par conséquent à un instant quelconque (H. POINCARÉ, Valeur sc., 1905, p. 52). Chacun de ces entiers pouvant être pris égal à un entier quelconque (E. BOREL, Paradoxes de l'infini, 1946, p. 103).
b) Un quelconque + subst. [Le subst. est suivi d'une expr., adj., compl. déterminatif, rel.] Du moment que l'Empereur de toutes les Russies avait le désir de me connaître, je ne pouvais pas admettre qu'un quelconque monsieur à lunettes n'eût point la curiosité de voir comment j'avais le nez fait (G. LEROUX, Roul. tsar, 1912, p. 8). Cet accent indéfinissable qui n'est pas l'accent d'une quelconque province française, mais seulement un accent paysan (HÉMON, M. Chapdelaine, 1916, p. 165).
2. [Associé à l'un/un]
a) L'un quelconque de + subst. Si vous aviez parlé cinq minutes avec (...) l'un quelconque de nos professeurs, vous changeriez d'opinion (ESTAUNIÉ, Empreinte, 1896, p. 127). Aussi pour le lire, fallait-il que je cesse un moment d'en être l'auteur, que je fusse l'un quelconque des lecteurs du journal (PROUST, Fugit., 1922, p. 568).
b) Plus rarement. [À la limite de la fonction nom.] Un quelconque de + subst. Il est incroyable (...) de constater à quel point je suis indifférent à la publication d'une quelconque de mes œuvres (DU BOS, Journal, 1926, p. 126). Nous prenons congé de la compagnie pour aller dormir sous un quelconque des cent mille oliviers dont toute la région est couverte(T'SERSTEVENS, Itinér. esp., 1933, p. 169).
B. Adj. qualificatif. [Avec une valeur péj.] Qui est banal, sans valeur, qui n'est pas digne d'intérêt. Synon. commun, ordinaire, sans originalité.
1. Banal, commun, insignifiant, sans intérêt. Mais qu'est-ce qu'un événement? Est-ce un fait quelconque? Non pas! me dites-vous, c'est un fait notable (A. FRANCE, Bonnard, 1881, p. 498). Augustin (...) échangea avec la vicaire des mots aimables et quelconques qui le forcèrent de se calmer (MALÈGUE, Augustin, t. 2, 1933, p. 433). Enfin ils arrivèrent au château, bâtisse quelconque, et que M. de Coantré haït sur-le-champ, parce qu'elle lui rappelait la richesse (MONTHERL., Célibataires, 1934, p. 880).
2. Médiocre. Je suis un peu ennuyé de vous avoir dédié Le Paradoxe qui est très quelconque (VALÉRY, Corresp. [avec Gide], 1891, p. 68). Je lis son devoir, très quelconque (COLETTE, Cl. à l'école, 1900, p. 134).
[En parlant de qqn] Cette aventure me détermine; j'étais quelconque, je suis quelqu'un (GIDE, Prométhée, 1899, p. 310)Une femme tout à fait quelconque, qu'il n'aime en rien, suffit à le détourner de tout le reste (DU BOS, Journal, 1925, p. 400):
1. Que voulez-vous? Je ne suis presque jamais sorti de Paris; je n'ai rien vu, je ne sais rien, je suis un hommequelconque, un homme insignifiant, oui, oui, insignifiant. Je n'ai rien à vous raconter d'extraordinaire.
DUHAMEL, Confess. min., 1920, p. 87.
2. La colère ne s'en tient pas au rôle de l'accusateur. Elle juge. Aussi cherche-t-elle à détruire n'importe quoi, et elle « choisit » le quelconque, car elle répond à une offense non particulière, mais générale et comme métaphysique.
J. VUILLEMIN, Essai signif. mort, 1949, p. 144.
Prononc. et Orth.: []. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. A. Rel. indéf. introduisant une rel. à valeur adversative 1.1re moit. XIIe s. pron. empl. avec antécédent, ici, fonction d'obj. dir. (Psautier d'Oxford, 85, 8 ds T.-L.: tutes gens,quelesquunques tu fesis, vendrunt [qualescumque fecisti]); 2. ca 1223 adj. servant à former la loc. quelconques [+ subst.] que« quelque [...] que » (GAUTIER DE COINCI, Miracles, II Mir. 28, 442: En quelconques adversité Que soiez); 2e moit. XIIIe s. [ms.] (CHRÉTIEN DE TROYES, Perceval, éd. A. Hilka, 7016, var. T: quelconques voie que je taingne); id. (ID., Lion, éd. W. Foerster, 5803, var. P). B. Adj. indéf. sans introd. de sub. a) 1re moit. XIIe s. précède le subst. (Psautier d'Oxford, 101, 3 ds T.-L.: enquelquunques jur); b) 1316 suit le subst. (doc. Arch. Orne ds GDF.). C. Adj. qualificatif 1891 « médiocre » (VALÉRY, loc. cit.). Francisation, à l'aide de quel*, que* et onques*, du lat. qualiscumque rel. « quel [...] que; de quelque nature que »; adj. indéf. « n'importe quel; quelconque ». Fréq. abs. littér.: 3 380. Fréq. rel. littér.: XIXe s.: a) 5 890, b) 5 787; XXe s.: a) 4 474, b) 3 556.Bbg. GONDRET (P.). Les Pron. et déterminatifs indéf. ds les phrases nég. en fr. du 12e au 16e s. thèse, Paris, 1980, pp. 81-87, 484-498. KLEIBER (G.), MARTIN (R.). La Quantification universelle en fr. Semantikos. 1977, t. 2, n o 1, pp. 19-36.
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