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- faire naufrage to be shipwrecked
A. Perte totale ou partielle d'un bâtiment en mer ou près d'une côte marine. Mourir, périr dans un naufrage; débris, épave d'un naufrage. Il s'était d'abord enrichi à vendre des femmes; puis, ruiné par un naufrage, il avait fait la guerre contre les Romains (FLAUB., Salammbô, t.1, 1863, p.27). Sur huit garçons qui ont grandi, tous marins, la mer lui en a pris sept, sept, qui ont disparu dans des naufrages, ou bien qui ont passé à l'étranger (LOTI, Mon frère Yves, 1883, p.253):
1. La cure est une maison de l'île, et, si elle porte des crucifix sur les murs et des images de piété, elle contient mille objets qui proviennent de naufrages, et quelques-uns des crucifix, la plupart des images de piété, ont orné des navires.
QUEFFÉLEC, Recteur, 1944, p.89.
[Le suj. désigne un bateau] Naufrager, couler. Léopard a gagné l'Afrique du sud; plus tard, il assurera le ralliement de la Réunion; finalement, il fera naufrage devant Tobrouk (DE GAULLE, Mém. guerre, 1954, p.243).
[Le suj. désigne une pers.] Être à bord d'un bâtiment qui fait naufrage. Daudet me contait qu'il avait connu une distinguée et charmante fille qui (...) avait fait naufrage et était restée dix-huit jours sur un radeau (GONCOURT, Journal, 1888, p.801). Marino ne t'a jamais raconté comment il avait fait naufrage? (GRACQ, Syrtes, 1951, p.265).
P. méton., rare. Lieu de naufrage. Que les lettres SOS soient lancées par la télégraphie sans fil, aussitôt tous les navires courront vers le naufrage, selon leurs moyens, et quel que soit le pavillon, non point pour piller mais pour sauver (ALAIN, Propos, 1921, p.320).
P.anal. Perte d'un bâtiment ou d'une barque sur une rivière, un lac. (Dict. XIXe et XXe s.).
B. Au fig.
1. Perte de biens, ruine. J'avais sauvé du naufrage de mes pauvres nippes un petit volume dont je lisais tous les jours quelques pages (COURIER, Lettres Fr. et Ital., 1806, p.724). Oisif à Bussières, et n'ayant sauvé du naufrage de sa fortune que ses livres, il avait été autrefois mon maître d'écriture (LAMART., Nouv. Confid., 1851, p.117).
En partic. [En parlant d'une entreprise, d'un commerce] Faillite, banqueroute. La mauvaise santé de Silbermann acheva le naufrage de la revue (LACRETELLE, Le Retour de Silbermann, Paris, Gallimard, 1922, p.226). C'est pour avoir sauvé du naufrage la Compagnie générale transatlantique qu'il y [l'État] occupe, dès 1933, une place prépondérante (CHENOT, Entr. national., 1956, p.64).
2. Échec, perte sur le plan moral, intellectuel ou sentimental. Et dans le naufrage où sombraient ses rêves de bonheur et ses projets d'avenir, cela seul subsistait, ce besoin énergique et vivace (MOSELLY, Terres lorr., 1907, p.124). C'est dans l'abandon des hommes et dans le naufrage de leurs espérances terrestres qu'ils ont vu apparaître leur sauveur vivant et présent tout près d'eux (MONOD, Sermons, 1911, p.235):
2. Au terme de sa vie, lorsque ne lui échapperont plus que des cris d'angoisse et d'émouvantes oraisons, il [Baudelaire] reniera le rêve auquel il avait tant demandé, accusant de son naufrage moral son «penchant à la rêverie» qui lui a fait perdre vingt années...
BÉGUIN, Âme romant., 1939, p.381.
Faire naufrage. Échouer, perdre la partie. Dans ce désespoir l'honneur eût fait naufrage, Si le ciel adouci ne m'avait réservé Un bon ange gardien par qui je fus sauvé (PONSARD, Honn. et arg., 1853, V, 2, p.130). Si Disraëli avait voulu dissoudre [le Parlement] au moment de son retour de Berlin, il eût obtenu un nouveau bail de six ans. Ayant attendu, il offrit trop de toile au Destin et, deux ans plus tard, il fit naufrage (MAUROIS, Édouard VII, 1933, p.159).
Faire naufrage au, près du port. Échouer au moment où l'on est près du but. Que je cueille la grappe, et la feuille de myrte Qui tombe, et que je sois à l'abri de la syrte Où j'ai fait si souvent naufrage près du port (MORÉAS, Cantil., 1886, p.114).
3. Désastre, effondrement d'un système de valeurs. Cette brillante civilisation du midi pyrénéen, perle échappée au naufrage où sombra, dès le XIIIe siècle, la civilisation du reste du midi (VIDAL DE LA BL., Tabl. géogr. Fr., 1908, p.361).Les maux sociaux et politiques peuvent être vigoureusement conjurés; et il faudra bien qu'ils le soient si la France, et avec elle le genre humain, veulent éviter le grand naufrage (L. DAUDET, Stup. XIXe s., 1922, p.276). Il est comme quelqu'un qui se serait fixé une tâche, une mission. Il veut sauver du naufrage une société qui se défend fort bien toute seule (ARAGON, Beaux quart., 1936, p.263).
REM. Naufrageux, -euse, adj., vx. Qui est propice au naufrage. Le rivage africain aux naufrageuses syrtes (POMMIER,Océanides, 1839, p.36). Les deux aspects de l'histoire touchante sont déjà présagés et réfléchis dans le paysage, les deux aspects de la vie! la mer naufrageuse et l'abri sûr, le bonheur et le malheur (SAINTE-BEUVE, Chateaubr., t.1, 1860, p.211).
Prononc. et Orth.: [], [-]. L'hésitation est reconnue par PASSY 1914, BARBEAU-RODHE 1930, WARN. 1968, etc. ,,Toutefois on prononce encore [naufrage] plus correctement en fermant au`` (MART. Comment prononce 1913, p.116). ,,La prononciation avec [] semble (...) la plus fréquente; elle est en tout cas la meilleure`` (FOUCHÉ Prononc. 1959, p.76).MARTINET-WALTER 1973 [no-]/[-] (9/8). Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. 1414 [ms. XVe s.] «perte d'un vaisseau en mer» (L. DE PREMIERF., Decam., B.N. 129, fol. 43 ro ds GDF. Compl.); 1461, févr. droit de nauffraige (Ordonnances des rois de France, t.XV, p.348); naufrage est signalé comme mot rare par CALVIN, Serm. sur la prem. à Timothée, 9 ds HUG.;2. 1501-04 fig. «destruction, ruine complète» (Destrées, Vie de Ste Wenefrede, II, 394, éd. H. Petersen, p.74); 1559 (AMYOT, Plutarque. Hommes illustres, Phocion, 1, éd. Gérard-Walter, t.1, p.487); 1643 faire naufrage au port «échouer alors que les difficultés paraissent vaincues» (CORNEILLE, Menteur, V, 4). Empr. au lat. naufragium «naufrage» fig. «ruine, destruction»; dans la langue médiév. jur. «droit d'épave, de naufrage» (881 ds NIERM.). Fréq. abs. littér.: 865. Fréq. rel. littér.: XIXe s.: a) 1674, b) 1937; XXe s.: a) 720, b) 778. Bbg. LA LANDELLE (G. de). Le Lang. des marins. Paris, 1859, p.94, 286.
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