6 Oct 2009

The Genus of Creation. Robinet. Bergson et les métamorphoses de la durée. pp.27-31


by Corry Shores
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The Genus of Creation

André Robinet

Bergson
et les métamorphoses de la durée

pp.27-31


When something is homogenous, we usually regard it as continuous. If we have carefully painted a wall a single color, it is continuously that color from end-to-end. Let’s say that halfway down the wall, we start a new color. Then it is not continuously the same color throughout. It is heterogeneous. We could divide-up the wall into many more colors, making it even more heterogeneous. Bergson’s claim is that duration is radically heterogeneous. That means every instant that we experience is completely different in kind than its immediate neighbors. If we watch a light dimmed down, we do not experience less light. We instead undergo a series of different experiences of light, each one qualitatively different. This is readily conceivable if duration is made of discontinuous instants. For, if they were continuous, they would “bleed” into each other. That means each new instant would not be radically different from the prior one. However, Bergson does in fact say that the moments of consciousness “melt” into each other [See Time and Free Will §64 ,§66], and he does describe duration as continuous. The question then, is how can something be continuous and heterogeneous at the same time. In Bergsonism, Deleuze alludes to André Robinet’s explanation for how this is so.

We shall assume that the reader is familiar with the description of duration as psychological experiences as it appears in Time and Free Will and in the first pages of Creative Evolution: It is a case of a “transition,” of a “change,” a becoming, but it is a becoming that endures, a change that is substance itself. The reader will note that Bergson has no difficulty in reconciling the two fundamental characteristics of duration; continuity and heterogeneity.1

1 See A. Robinet’s excellent analysis on this point, in Bergson, Seghers, 1965, pp.28ff. [1991:37b; 122c]


Nous supposons connue la description de la durée comme expérience psychologique, telle qu’elle apparaît dans Les Données immédiates et dans les premières pages de L’Evolution créatrice : il s’agit d’un « passage », d’un « changement », d’un devinir, mais d’un devinir qui dure, d’un changement qui est la substance même. On remarquera que Bergson ne trouve aucune difficulté dans la conciliation des deux caractères fondamentaux de la durée, continuité et hétérogénéité (1).

(1) Sur ce point, cf. l’excellent analyse de A. ROBINET, Bergson (Seghers, 1965), pp. 28 sq. [Deleuze 1966:29b,d]

Like Deleuze, Robinet interprets the continuity of heterogeneous duration as a becoming.

Robinet begins first with Bergson’s opposition between duration’s heterogeneity and space’s homogeneity [§65, §68, §69]. But heterogeneity, he explains, can be conceived as either discontinuous or continuous. [Robinet 1965:27-28]

The first way sees heterogeneity as discontinuous, only because it understands it negatively as being opposed to space’s homogeneity. Things in space are simultaneously juxtaposed. But instants in duration are not simultaneous. From this we might conclude that the instants of Bergson’s duration are discrete. But this interpretation also regards the passage of time as involving the disappearance of the present into the past. So when we experience the next instant, it cannot be juxtaposed with the prior one, as with objects in space, and for that reason we think that the prior one has vanished. [28a.d] Each moment is radically different and distinct from the other, because each one is of a different genus: “Les phases successives de la durée sont uniques en leur genre, hétérogènes parce que fluentes au sens d’écoulées dès qu’apparues” (29bc). Experience is in flux, so we might regard duration as something that is continually devouring or annihilating itself (30a). This would be a ‘heterogeneity of extinction,’ duration without memory.

But we can see this same process another way. The present might be passing away, but the future is coming-in as well. Bergson also says that instants interpenetrate. The flow of duration is an unbroken process. There is never an instant when there is not change. Duration is a continuous and living activity. It does not suffer from space’s inertia. The present in a sense has a certain thickness. It is not a spatial thickness. It is more like a depth. [Recall how for Bergson, we continually contract the past with the present. The past never leaves us. We live it every moment. I express everything that has ever happened to me in each of my actions, because they have a permanent influence on me. So the past did not disappear. It is virtually there, right now in the present. Rather, the future keeps adding to the present and thus to the virtuality of the past, as well. The present keeps swelling, in a sense, but not really extending. We might say it gets deeper. It grows along another dimension.] So each new instant is unique, not because it is discrete, but because it contracts with the past, and changes the past in its entirety. In other words, duration is continuous because it is a ceaseless becoming, but heterogeneous, because the changes are all qualitatively distinct. We hear a melody as a succession of notes. With each new note, the whole of the melody changes. This is why each instant is radically different. Duration, then, is continuous as well as heterogeneous. And because the character of our whole past changes with every instant, we as people are continually changing our qualities. This is duration as memory.



From the Robinet text:


Tout va de soi tant qu’à cette caractéristique homogène de l’espace, on oppose la caractéristique hétérogène de la durée. Selon cette structure d’opposition, il faut concevoir l’hétérogène comme du discontinu, antithèse de la continuité homogène. [27-28] Mais là, les difficultés commencent, car deux manières de saisir l’hétérogénéité de la durée s’entremêlent et se chevauchent.

La stricte opposition du caractère essentiel de la durée à l’homogénéité de l’espace exige que l’hétérogénéité soit discontinue. Chacun des instants qui composent la mobilité de la durée est indépendant des autres instants. La diversité des moments qui disparaissent sans jamais pouvoir se reproduire s’oppose à l’homogénéité de cette simultanéité en laquelle l’espace trouve sa qualité primordiale. La « succession pure et simple » de la durée s’oppose à la juxtaposition, à la simultanéité, à la sommation, au redoublement de l’espace. « Car si une somme s’obtient par la considération successive de différents termes, encore faut-il que chacun de ces termes demeure lorsqu’on passe au suivant, et attende, pour ainsi dire, qu’on l’ajoute aux autres » ; or la durée « n’attend pas », « ne demeure pas » : « Comment attendrait-il s’il n’était qu’un instant de la durée ? et où attendrait-il, si nous ne le localisions dans l’espace ? » (DI, 54). Les instants de la durée sont « à jamais évanouis ». Hétérogène signifie donc : qui n’est pas solidaire mais qui est successif, qui n’existe jamais quand le précédent ou le suivant existe, « l’un ayant cessé d’être quand l’autre paraît ». La « distinction radicale » des instants vient de ce qu’ « un moment du temps ne saurait se conserver pour s’ajouter à d’autres » (DI, 59). L’erreur des déterministes et des associationistes procède justement de ce qu’ils bloquent la succession en simultanéité et de ce qu’ils ressuscitent artificiellement cet évanouissement de l’instant qui est le propre de la durée concrète. Cet évanouissement rend impossible la juxtaposition, la simultanéité, l’équivalence, la mesure ; il rend la durée tout à fait autre que l’espace aux parties coexistantes. Ce caractère de succession signifie disparition irrémédiable et non juxtaposition, enfouissement et non trace, évanescence et non solidification. [28-29] Tout présent est immédiatement englouti dans le passé ; la durée se dérobe sous elle-même, elle n’est jamais « plusieurs »mais toujours « jamais plus ». Cette succession est telle que si on y distingue des moments, il faut dire qu’ils passent et c’est parce qu’ils s’effacement que la durée a ce caractère de discontinuité qui l’oppose à la continuité de l’espace. Le changement incessant d’une qualité évanescente, aussitôt disparue qu’apparue, entraîne l’impossibilité de la répétition, de la réversibilité, alors que l’espace homogène, contemporain de son présent, possède le pouvoir du retour de côté, de l’inversion des directions, de la fuite ou de la concentration en tout pont des lignes qui traversent le champ spatial. Cette hétérogénéité, non de simultanéité mais de succession, repose sur le constat de cette extinction opposée à la continuité de survivance des parties de l’espace. Les phases successives de la durée sont uniques en leur genre, hétérogènes parce que fluentes au sens d’écoulées s qu’apparues. Leur unicité vient de leur transition. Ses moments sont tranchés au sens de retranchés, à jamais disparus, exprimant l’infinité de la mobilité.

On ne saurait minimiser ce premier sens donné à l’hétérogénéité puisqu’il intervient dans des argumentations aussi capitales que celles qui démontrent la nature du nombre (DI, 52-53), la réalité de l’acte libre (DI, 116), l’impossibilité des prévisions dans la causalité psychologique (DI, 131), la distinction des deux moi (DI, 86-92). Si Bergson ne faisait de cet évanouissement du successif un tel usage démonstratif, on pourrait penser que cette hétérogénéité d’extinction n’est qu’un des multiples fantômes de l’espace qui hantent le temps. Il est exact que détailler des moments de la durée revient à bloquer dans une même présence les parties qui la constituent, c’est-à-dire revient à l’espace. Mais il ne s’agit, dans aucun de ces textes, de stabiliser ces moments, puisque, justement, c’est leur instabilité même qui permet de conjurer le spectre de l’espace. [29-30] En invoquant le flux du cu, on évoque ce caractère réel, fondamental de la durée : un être qui se dévore lui-même, un être de l’anéantissement permanent. Une durée sans mémoire.

Ce sens d’une durée définie par l’hétérogénéité d’extinction n’est pourtant pas le sens majeur par lequel Bergson entend définir la durée. L’Essai met en avant, consciemment, tenacement, une hétérogénéité de chevauchement qui donne à la durée sa signification psychologique profonde. C’est par là que le bergsonisme échappe à l’accusation d’héraclitéisme à laquelle on pourrait s’arrêter sur le vu de la qualification précédente. « Succession implique fusion et organisation » (DI, 85). « Les moments de la durée interne ne sont pas extérieurs les uns aux autres » (DI, 148). Nous sommes une durée « dont les moments se pénètrent » (DI, 88). C’est là concevoir une hétérogénéité d’interpénétration, de fusion, en un mot de subsistance, non d’évanescence. Plus le flux coule en s’évanouissant, plus ses sources sont encore présentes à l’estuaire. Ce n’est plus le flux qui compte, mais la fluence (1). Et cette hétérogénéité d’interpénétration se dispose en deux directions : en un sens horizontal, le passé reflue dans le présent qui se grossit en vue de l’avenir (DI, 88) ; en un sens vertical, le tout de la conscience est présent dans la moindre de ses parties (DI, 90). [30-31]

Pour qu’en de telles circonstances l’opposition de structure entre la durée et l’espace reste concevable, ce n’est plus la discontinuité de la durée qu’il convient d’opposer à la continuité de l’espace, mais la discontinuité de l’espace qui se trouve face à la continuité de la durée. L’hétérogène n’est plus, en ce second sens, inconciliable avec le continu. Le propre des moments de la durée est d’être perdurable, de constituer des passages, des empiétements, des progrès de ce qui suit sur tout ce qui précède, des chevauchements. La durée ne se définit plus par la disparition sans espoir de retour des instants dont elle se fait, mais par la permanence d’une certaine épaisseur de présent qui se fait, due à cette « activité continue et vivante » (DI, 116), à ce « continuel devenir » (DI, 120) opposé à l’inertie des états référés à l’espace. Changer ne signifie plus disparaître, mais grossir, s’enrichir. Cette épaisseur du présent implique une amélioration continuée, nourrit un être d’accroissement. Loin de se dérober sous elle, la durée retient tout ce qu’elle anime. Loin de signifier rupture et extinction, hétérogénéité signifie captation, reviviscence. L’unicité des moments de la vie consciente ne vient plus de l’unité de l’instant, mais de l’unification progressive des qualités variées de la personne. La totalité en voie de totalisation n’est plus celle d’une individualité, stricte parce que défaite, mais d’une personne, « le développement continu d’une personne libre » (DI, 149). De la multiplicité qualitative nous passons à la qualité multiple. Dans le cas de l’hétérogénéité-dépassement, la personne est fondée dans l’altérité ; dans le cas de l’hétérogénéité-surpassement, elle est fondée dans l’altération. La durée est alors mémoire. [31d]



Deleuze, Gilles. Bergsonism. Transl. Hugh Tomlinson and Barbara Habberjam. New York: Zone Books, 1991.

Deleuze, Gilles. Le bergsonisme. Paris : Presses Universitaires de France, 1966.

Robinet, André. Bergson et les métamorphoses de la durée. Paris: Seghers, 1965.



2 comments:

  1. reminds me of Deleuze's Orchid and the wasp.

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  2. That's a great observation. It helps me relate this to a paper I am reading by Darren Ambrose on the inter-becoming of humans and animals.

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